• Insurrection, résurrection •
Je me demande ce que je fous là. Sur cette terre hostile et virginale, aux couleurs sourdes mais lumineuses, éblouissantes même. Comme une condamnation à fermer les yeux pour ne pas voir. Un royaume de glace, un miroir froid sans reflet, sans image. On y projette ce que l’on veut. Des complotistes, un peu moins idiots que la moyenne, pourraient s’imaginer que cet endroit a été créé par Dieu, Jung et Freud réunis pour forcer à l’introspection.
Il faut plonger. Avec tout ce que cela contient de métaphores et d’interprétations psy à deux balles. Après tout, on immerge bien les légumes verts dans un bain de glaçons après cuisson. Parait que ça fixe la chlorophylle.
Je me demande toujours ce que je fous là. Dans un regain d’inconscience je saute. Franco. Aucun cri ne sort de ma bouche mais mon corps hurle. Ma chair se fige. Mes entrailles grondent. Chacune de mes cellules se transforme en flocon. Les cristaux de glace déploient leurs branches, m’entaillent de toute part. Des milliards d’imperceptibles brèches. Ecorchée vive prend tout son sens.
Je ne me demande plus ce que je fous là. Anesthésiée. Amorphe. Je suis un morceau de banquise, un iceberg échoué dans un lac moribond. Pourquoi m’infliger ce calvaire ? Faire taire mon corps ? Le dresser pour qu’il arrête de se dresser contre moi ?
Regagner la rive sous peine de sombrer pétrifiée. Dissoudre les derniers fragments de soi, diluer chaque trauma.
Je sais enfin ce que je fous là.